Le ministère public aux Pays-Bas requiert la perpétuité dans un dossier pénal pour crimes de guerre en Éthiopie

Ce mercredi, le ministère public du tribunal de La Haye a requis la perpétuité  à l’encontre d’un homme de 63 ans pour crimes de guerre dont actes de séquestration, de torture et d’assassinat sur les opposants au régime révolutionnaire des années soixante-dix en Éthiopie.

A l’époque, le suspect sexagénaire et membre du gouvernement militaire provisoire de l’Éthiopie socialiste dit « Derg » était membre du gouvernement éthiopien. Il était responsable permanent du régime militaire dans la province du Godjam et, incarnait, de ce fait, le centre du pouvoir. Au début des années quatre-vingt-dix, l’intéressé s’est retrouvé aux Pays-Bas et finit par obtenir la nationalité en 1998. Depuis plus de deux ans, il est en détention provisoire.

Une campagne des plus atroces

De l’avis du ministère public, le représentant de « Derg » fut responsable d’une campagne des plus atroces dirigée contre les forces de l’opposition. C’était lui qui décidait de vie ou de mort, de la liberté ou de la captivité des prisonniers qui étaient détenus sous des conditions inhumaines. Le degré, l’ampleur et la nature de la violence dépassent l’entendement.

Les procureurs du Roi du parquet national faisaient valoir devant le tribunal notamment le fait d’espaces carcéraux exigus, l’existence d’une peur permanente, de menaces de mauvais traitements à personne, le fait de prisonniers se voyant confrontés à assister de force à des actes de mauvais traitements, l’absence totale ou presque de lumière du jour, le manque d’équipements sanitaires, d’eau, de nourriture et, chose non moins importante, d’un minimum de soins médicaux. Il manquait toute espèce de justice digne de ce nom.

La campagne visait l’extermination de toute velléité de résistance au « Derg ».

La « terreur rouge » proclamée par le colonel Mengistu s’est soldée par des milliers de victimes parmi la population civile. Des civils non armés étaient considérés comme des combattants ennemis et furent la cible de véritables et vastes campagnes d’assassinats où ni femmes, ni enfants n’étaient épargnés.

Les chefs d’inculpation de cette méga-affaire sont développés dans plus de 100 pages citant les noms de plus de 75 jeunes personnes qui trouvèrent une fin de vie par mort violente en 1978, un soir du mois d’aout. La campagne « Derg » a emporté de nombreux jeunes lycéens et étudiants au printemps de leur vie. Le suspect est tenu responsable de séquestration et de traitements inhumains de centaines de personnes, sans parler de nombreux actes de torture.

Pas ici, ni ailleurs

Ce dossier constitue une série continue d’atrocités infligées sciemment et en parfaite connaissance de cause. Le suspect était à la fois maître de vie et de mort. Aux dires des procureurs du Roi en charge du dossier « Jamais ceux ou celles coupables de ce type de crimes ne sauraient bénéficier de sanctuaire, pas ici, ni ailleurs, ni même après quarante ans.

« Tout semblait aller comme dans le meilleur des mondes pour le suspect : quand il s’aperçoit que cinq prisonniers sont détenus dans une autre prison, ne voilà-t-il pas qu’il s’avise d’appeler en vitesse la bonne personne pour que ces cinq personnes puissent, elles aussi, être achevées ce soir même, comme les autres. »

Les familles n’étaient pas informées du décès de leurs bien-aimés. Parfois, familles et amis n’étaient pas fixés pendant des années sur le sort des derniers. Il était de surcroit interdit de prendre le deuil des opposants au régime morts du fait de ce dernier.

Des déclarations de témoins font état de personnes enterrées vivantes et le suspect en aurait été au courant.

Une peine privative de liberté à vie est parfois la seule peine qui fasse droit à la gravité des faits perpétrés. Le ministère public n’a là-dessus pas le moindre doute. La gravité des faits et l’intérêt des victimes et des familles dictent l’application de la seule peine perpétuelle. Elle est porteuse d’un message clair à la société et à la communauté de droit internationale, message sans équivoque dénonçant la gravité des actes commis par le prévenu.

Lundi prochain, la suite du procès pénal sera au tour des avocats de la défense.

Le rendu du jugement par le tribunal est attendu vers la fin de cette année.